GBF-11 : le retour

« Il va falloir prendre une décision concernant le gosse… déclara Jonas à voix basse.

-         Le gosse ? interrogea Arlène d’un air dubitatif. Tu veux dire la goule. »

Comme s’il savait que les pilotes étaient en train de parler de lui, l’enfant-zombie choisit cet instant pour tenter une nouvelle fois de se ruer vers ses proies. Sans plus de succès qu’auparavant. Les menottes d’acier tenaient bon. Il en allait autrement pour le corps du petit monstre, soumis à rude épreuve maintenant qu’il était immunisé à la douleur.

Ne se souciant pas plus des bracelets de métal qui mordaient ses poignets à chaque fois qu’il tirait dessus que de ses propres tripes éparpillées au sol, la goule se contorsionnait en grognant, son regard fou sautant d’un humain à l’autre alors que de sa bouche dégoulinaient des torrents de bave.

Difficile d’ignorer un spectacle aussi choquant. Ce à quoi s’évertuaient pourtant les passagers, le tableau étant trop insoutenable pour qu’ils en supportent la vision plus de quelques secondes. A l’exception de la mère qui, comme si elle ne se rendait pas compte de l’état de son fils, continuait à le couver du regard tout en lui chantonnant des paroles rassurantes. La pauvre avait complètement perdu la boule. Mais sa crise d’hystérie était au moins passée, elle n’essayait plus de se débattre.

 

Tous étaient plus calmes maintenant que la Mater était loin derrière. Mais ce répit allait être de courte durée. Car ils entamaient maintenant la dernière étape de leur périple. Les côtes de la Fragma n’étaient plus qu’à quelques dizaines de kilomètres. Ne quittant pas l’horizon des yeux, Jonas sentait le stress monter en lui minute après minute.

Ils n’avaient rencontré aucune difficulté pour passer le blocus militaire à l’aller. Mais qu’en serait-il au retour ? Les autorités feraient probablement preuve de beaucoup plus de prudence à l’égard d’un engin entrant dans le territoire. Même avec les codes d’identification obtenus par Freddy Halu, il y avait fort à parier que l’hélicoptère ne passerait pas aussi facilement qu’une lettre à la poste.

Dans le doute, mieux valait essayer d’éviter tout contact avec les militaires. Si les voyageurs réussissaient à se rapprocher du littoral sans se faire repérer, ils seraient tirés d’affaire. Mais comme l’avait souligné Jonas, d’importantes décisions les attendaient auparavant.

 

« Pour ma part, c’est parfaitement clair, repris Arlène. On ne doit en aucun cas amener cette créature sur la Fragma. Il faut s’en débarrasser maintenant.

-         Merde, ce n’est qu’un enfant… soupira Jonas.

-         Non. Cette chose n’a plus rien d’humain. Elle ne souffre plus, ne ressent plus d’émotion. Inutile d’éprouver de la pitié. Cette goule n’en aura aucune.

-         Tu ne sais pas ce qui se passe dans sa tête, objecta son homme. Et de toute façon, que cet enfant soit dangereux ne légitime pas son meurtre. Qui sait, on peut peut-être le guérir…

-         Arrête de déconner… Tu as déjà vu quelqu’un se remettre de telles blessures ?

-         Non, mais… On ne sait rien de ce virus. Ce serait dommage de balancer notre seule source d’informations. Imagine tout ce que les scientifiques pourraient découvrir grâce à ce spécimen. Après tout, c’est pour ça qu’on est venus, non ?

-         Mais tu as bien vu ce qui se passe sur la Mater ! Cette épidémie est incontrôlable.

-         Raison de plus pour obtenir un maximum d’infos avant que le virus ne débarque chez nous. Cette goule constitue peut-être notre seul espoir… »

Les sourcils froncés, Arlène réfléchit intensément pendant quelques instants. Et si Jonas avait raison ? Et si ce n’était qu’une question de temps avant que les goules envahissent la Fragma ? Et si la seule chance d’y survivre était de mettre au point un vaccin ou un traitement quelconque ?

 

« Soit, admit-elle finalement. La goule va rester avec nous. Mais à deux conditions. La première, c’est qu’on l’exécute immédiatement. Elle est trop dangereuse tant qu’elle est capable de mordre.

-         Mais les scientifiques ne tireront sans doute pas tout ce qu’ils peuvent d’un spécimen mort…

-         Tu oublies que ce putain de zombie est DEJA mort.

-         Ça tu n’en sais rien. Même si je vois mal comment son corps peut continuer à fonctionner, cette goule respire, impossible de le nier.

-         C’est ça ou rien, déclara Arlène, inflexible. Je ne ramènerai pas cette créature si elle est capable de transmettre l’infection.

-         Bon, soupira Jonas. Et ta deuxième condition ?

-         Le cadavre. On le remettra aux services de la santé publique. Et certainement pas à cet enfoiré de Freddy. Je ne lui fais aucune confiance… »

Sur ce point au moins, Jonas ne pouvait qu’être d’accord avec elle. Même si renoncer à la moitié de la paye offerte par Freddy Halu lui déchirait le cœur, il fallait bien avouer que remettre le zombie à un malfrat aussi imprévisible relevait de l’inconscience pure et simple. Rien ne garantissait que le receleur ne comptait pas utiliser la créature comme monnaie d’échange ou moyen de pression. Non, s’ils voulaient être certains que leurs concitoyens seraient les seuls à bénéficier des éventuelles découvertes que permettrait l’autopsie du monstre, il fallait donner celui-ci aux autorités compétentes. Au risque de se faire capturer et envoyer en taule. Mais même la prison semblait un paradis à côté des horreurs qu’ils avaient vu sur la Mater.

 

« C’est d’accord, annonça Jonas. On fera comme tu le souhaites. Je vais m’occuper de la goule.

-         Fais attention à toi ! le pria Arlène.

-         Et toi, fais nous voler un peu plus bas. Ce n’est pas la Fragma, que je vois là bas ? »

Le relief accidenté de l’île sud venait en effet d’apparaître à l’horizon. L’hélicoptère pénétrait maintenant dans la zone de haute surveillance, où stationnaient nombre de bateaux et sous-marins militaires. Mais c’était surtout la couverture aérienne qui inquiétait les passeurs. La plupart des bâtiments navals n’étaient pas équipés pour les arrêter. Les chasseurs supersoniques qui patrouillaient autour du littoral n’auraient en revanche aucun mal à transformer l’appareil en un tas de métal fumant. Aussi Arlène entreprit-elle de le faire descendre le plus bas possible, espérant qu’en volant au ras des flots, l’hélicoptère aurait une chance de passer sous la couverture radar.

Ce qui sembla fonctionner, du moins pendant un temps. Comment l’engin se fit-il finalement repérer ? Les passeurs ne le surent jamais. Sans doute leur approche avait-elle été détectée par un des nombreux volontaires postés sur les côtes, car ils ne furent interceptés qu’à deux ou trois kilomètres du littoral. Ce qui était encore beaucoup trop tôt.

 

 

 

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