Chapitre 30 : des enfants...

Publié le par RoN

« On ne doit plus être très loin, prévint Jack alors que ses camarades chasseurs se séparaient en trinômes. On ne sait toujours pas à quelle saloperie on va avoir affaire, alors ouvrez bien les yeux et surveillez vos arrières… »

Le jeune homme n’avait pas besoin de le dire deux fois. Ceux qui l’accompagnaient dans cette mission de reconnaissance et d’entraînement avaient beau s’être portés volontaires, la plupart n’en menaient pas large. Pour beaucoup de genesiens, cette excursion constituait la première sortie hors de la ville depuis des mois. Rien d’étonnant à ce que la tension soit palpable.

Jack lui-même se sentait beaucoup plus nerveux qu’il ne l’aurait désiré. Le principal intérêt de cette expédition restait de faire progresser leurs recherches scientifiques. Mais pour lui comme pour ses camarades, c’était aussi l’occasion de tester ses propres capacités, de voir s’il avait réellement une chance de survivre au périlleux voyage vers la Filia.

 

Depuis que le jeune homme avait annoncé son projet, la communauté était entrée dans une véritable effervescence. Mitch et Rick avaient copié et distribué massivement leur programme de surveillance, et chacun y allait de ses observations, remarques et hypothèses. Contrairement à Aya, tous ou presque reconnaissaient la nécessité de partager leurs connaissances des goules avec les filiens. Et étonnamment, un grand nombre de genesiens avaient manifesté le désir de participer à l’expédition. Mais combien étaient prêts à affronter les horreurs que recelaient les terres infectées ?

Selon Saul Gook, probablement aucun. L’avis de l’ingénieur pesant lourd dans la balance, beaucoup s’étaient résignés à rester en sécurité à Genesia. D’autres, comme Jack, avaient décidé de s’entraîner plus dur que jamais afin de se préparer au mieux à ce qui les attendait. C’est pourquoi, quand deux jours auparavant avait été détecté un groupe d’une huitaine de goules isolées à seulement vingt-cinq kilomètres de la ville, le jeune homme avait décidé d’organiser un entraînement très particulier.

Répéter indéfiniment des enchaînements et se muscler était important, mais aucun exercice n’était plus efficace que le combat réel. L’objectif de la mission était simple : se faire la main sur quelques goules. Se confronter à la réalité, voir s’il était possible de les neutraliser sans perte majeure. Et tenter de capturer un spécimen, à condition qu’il s’agisse bien de goules humaines (les données du mode observation n’étant pas assez récentes pour observer les créatures en détail).

Ce dernier point avait été proposé par Marie et Samuel, qui souhaitaient déjà depuis longtemps mettre en œuvre leurs expériences sur un sujet différent de Lydia. Mais cela était beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Cette demande particulière avait en tout cas permis de faire diminuer le surprenant nombre de volontaires pour la mission. Au final, près d’une trentaine de chasseurs s’étaient tout de même embarqués dans le bus renforcé ressorti spécialement pour l’occasion. Dont douze ex-membres de la troupe de Gook, qui devaient probablement en avoir assez du manque d’action. Mais qui se conduisirent en vrais professionnels, conservant un sang-froid impeccable pendant le voyage, et prenant chacun un petit groupe sous leur tutelle une fois arrivés sur les lieux.

Jack devait bien avouer qu’il se sentait plus confiant en sachant que ses arrières étaient couvertes par des gars quasi-invisibles aux yeux des goules et habitués au combat. Le jeune homme songea qu’il ferait bien de commander une des fameuses tenues ignifugées à Saul Gook avant de partir vers le continent épargné. Depuis le temps qu’il n’avait pas été soumis au stress de la survie, il avait beaucoup de mal à supporter l’éventualité qu’une créature cauchemardesque puisse être en train de l’observer, cachée dans les fourrés à guetter une occasion d’attaquer. La sueur perlait déjà à son front, chaque craquement de brindille résonnait à ses oreilles comme le glas d’une attaque surprise. Et inutile de décrire la gêne de n’avoir qu’un seul œil pour scruter les frondaisons, pour détecter les mouvements, les couleurs inhabituelles…

Ah, ce que le plan pouvait paraître simple, quand Jack avait étudié la carte du territoire où se déroulerait la battue. Se séparer en petits groupes, quadriller la zone, faire chercher des renforts et rester planqué une fois que la meute serait repérée. Mais une fois sur le terrain, c’était une autre histoire. Ce qui apparaissait à l’image satellite comme un terrain quasi-uniforme était en fait un bois marécageux orné de buttes et de dénivellations, où il était impossible de garder les autres en vue et où les prédateurs pouvaient facilement se dissimuler.

Jack avait vécu suffisamment de merdes depuis le début de l’épidémie pour se rendre compte que cette situation sentait plutôt mauvais. Ils avaient assez de buster-weed pour se soigner d’une exposition massive à la Ghoulobacter, mais cela ne supprimait pas le risque. Bien malgré lui, il commençait à imaginer des situations plus sordides les unes que les autres, qui se concluaient toutes par un échec sanglant.

Et s’il s’agissait de chimères particulièrement dangereuses ? Des ours-zombies ? Un seul de leurs coups de patte suffirait à arracher la tête d’un homme… Ou que se passerait-il si les goules décidaient de rester planquées bien sagement, et d’attendre que les chasseurs repartent pour les suivre jusqu’à leur planque ? Ou pire encore : qu’adviendrait-il de l’expédition vers Filia si Jack s’avérait incapable de rivaliser avec les évolués ?

Le détecteur à danger du jeune homme avait beau être au rouge, cette dernière question le fit renoncer à ordonner une retraite prématurée. Il allait bientôt devoir faire preuve de courage et de volonté : autant commencer immédiatement, et ne pas renoncer dès le premier doute.

 

Ces réflexions ne lui apportèrent cependant pas grand réconfort. N’y tenant plus, il piocha dans sa poche un joint de buster-weed pré-roulé. Pour être arrêté par une main douce mais ferme. Sa sœur Béate, qui ignora son regard courroucé pour lui désigner leur tuteur commun, un ancien « ninja de Gook » nommé Marty.

« Evite de fumer maintenant, lui chuchota-t-il. Les goules ont tendance à repérer la chaleur. Allume ton joint, et elles vont nous tomber dessus dans la minute…

-         Mais ce n’est pas une mauvaise idée, ça… commenta Béate. Quelqu’un devrait jouer le rôle d’appât. Il n’aura qu’à se tenir dans une zone bien dégagée en agitant une torche ou en chantant, par exemple. Il suffira de le surveiller et d’attendre que les goules montrent leur nez.

-         Ça me semble pas mal, approuva Jack. A condition d’être sûr de pouvoir intervenir avant que notre appât ait toutes les goules sur le dos… T’en penses quoi, Marty ?

-         C’est jouable. Ça peut aussi foirer lamentablement. Mais moi aussi j’en ai ma claque de ce trou humide. Je vais aller proposer le plan aux autres. Restez planqués le temps qu’on se positionne. »

Se déplaçant sans un bruit ou presque, Marty s’en alla organiser la « surprise », laissant Jack et Béate surveiller le périmètre.

Dès le départ, la jeune femme n’avait nullement caché ses intentions. Que cela plaise à son frère ou non, elle partirait avec lui. Elle avait justifié son cas avec une telle détermination que Jack s’était sagement gardé de toute objection : leur parents étant morts sous ses yeux (plus précisément, elle avait explosé elle-même le crâne des créatures qu’ils étaient devenus), Béate refusait catégoriquement de voir mourir un autre membre de sa famille. Si elle accompagnait son frère dans son périple, celui-ci n’aurait donc pas le droit de périr. Cela garantissait par conséquent le succès de la mission.

Jack n’était peut-être pas enchanté d’emmener sa sœur unique avec lui, mais que pouvait-il répliquer face à une telle démonstration ? Il avait donc accepté avec fatalisme que Béate se joigne aux chasseurs.

La jeune femme, qui jadis affectionnait particulièrement de pourfendre de la goule, n’avait pas non plus eu son lot d’action depuis un bon bout de temps. Mais contrairement à son frère, elle n’avait aucun doute sur ses capacités. Qu’importe ce que disait Saul Gook : dès qu’elle pensait aux zombies, la rage était là. Quelle que soit la puissance et la rapidité des goules, celles-ci étaient bien trop hideuses pour qu’on leur permette de vivre. Rien ne pourrait empêcher le tableau de chasse de Béate, vierge depuis beaucoup trop longtemps, de se remplir à nouveau. La jeune femme était à tel point motivée que, quand Marty revint pour leur annoncer que le plan se mettait en place, elle se proposa pour jouer le rôle de l’appât.

« Hors de question, poulette, lui opposa Jack. C’est moi qui avais envie de fumer. C’est donc moi qui irai.

-         Sans vouloir te blesser, mon petit Jack, tu n’as pas l’air bien sûr de toi, rétorqua Béate. Tous les regards vont être braqués sur toi. Tu tiens vraiment à te pisser dessus devant tout le monde ?

-         Personne ne doute de ton courage, intervint Marty sans laisser au jeune homme le temps de répliquer. Mais avec un œil en moins, ce serait trop risqué pour toi d’être l’appât. Les goules pourraient réussir à te surprendre… Laisse faire Béate. Tu auras tout le temps de jouer au héros avec les filiens. »

Dépité, Jack répondit par une grimace au sourire victorieux de sa sœur. Puis celle-ci sortit du buisson sous lequel ils se planquaient pour aller s’asseoir sur une souche, dans une clairière légèrement en contrebas autour de laquelle les chasseurs étaient censés se poster. N’ayant plus à se soucier du bruit qu’elle faisait, bien au contraire, Béate beugla un « tu me protèges, grand frère ? » qui fit pouffer de rire Marty et probablement d’autres. Avant de s’allumer un joint et de patienter en tapant du pied.

Plusieurs minutes passèrent sans que rien ne bouge. Tout était silencieux dans le bois, si on exceptait la voix claire de Béate qui résonnait à intervalles réguliers. Mais pas de piaillement d’oiseaux, pas de cri d’animal en rut, pas de rumeur autoroutière lointaine. Si l’épidémie zombie avait eu un seul avantage, c’était bien celui-ci : le calme régnait dorénavant sur le continent. Un calme qui paraissait souvent écrasant pour les survivants, et qui cette fois encore ne servait qu’à rendre insoutenable une pression déjà difficile à supporter.

 

Où étaient donc les goules ? Le matin même, le programme de Mitch et Rick les avaient détectées autour de cette satanée clairière. Probablement un groupe de retardataires, en train de traverser la Chaîne Platte pour rejoindre leurs congénères de l’ouest. Elles n’avaient pas pu aller bien loin depuis. Etait-ce là la preuve que le logiciel de détection des zombies ne fonctionnait pas aussi bien qu’escompté ? C’était ce que semblait croire Béate.

« La prochaine fois, on emmène nos deux geeks se moisir le cul avec nous ! s’exclama-t-elle. Ils ont pas dû bien comprendre ce que c’était qu’une gou… »

Elle n’eut malheureusement pas le temps de finir sa phrase. Car une masse grise venait de fondre sur elle sans un bruit, comme tombée du ciel (ou plus vraisemblablement des arbres). Jack était trop éloigné pour voir à quoi ressemblait exactement la créature, mais une chose était sûre : celle-ci était hostile. Les cris de Béate ne laissaient aucun doute sur la nature du prédateur. Une goule l’avait enfin trouvée. Et avait également réussi à bluffer près d’une trentaine de guetteurs, qui n’avaient strictement rien vu venir.

Sur ses pieds en un instant, Jack se précipita vers sa sœur sabre en main, pestant intérieurement contre ce plan pour le moins foireux. Béate n’aurait probablement pas besoin qu’on lui décrive à quel point son idée était mauvaise : elle allait en payer le prix en sang versé et en peau arrachée. A condition cependant qu’elle en réchappe. Car ce n’est pas Jack qui fut en mesure de la sauver.

Le jeune homme avait à peine parcouru une dizaine de mètres quand il capta un mouvement à la limite de son champ de vision. La silhouette disparut dans l’angle mort laissé par son œil perdu et Jack choisit de l’ignorer, pensant qu’il s’agissait d’un des chasseurs en train de foncer à la rescousse de Béate. Mais une fraction de seconde plus tard, le jeune homme était percuté par un véritable boulet de canon fait d’os et de griffes.

Sonné, Jack roula au sol en lâchant un cri de stupeur et de douleur. Il n’eut même pas le temps de se redresser ou de tâtonner à la recherche de son katana. Quelle que soit la chose qui l’avait attaqué, elle était déjà sur lui. Le jeune homme sentit une décharge électrique glacée alors que les griffes de la créature lui déchiraient le dos, immédiatement suivie d’une piqûre brûlante et humide synonyme de morsure.

Quelle douleur ! Et dire qu’un an auparavant, ce genre de plaie faisait partie de son quotidien… Aujourd’hui, la souffrance le paralysait, tétanisait ses muscles à tel point qu’il resta immobile quelques secondes, sous le choc. Se faire écorcher était une habitude que tous avaient perdue bien volontiers. Etait-il donc impossible de se battre contre les goules sans récolter de multiples blessures ? Jack n’eut pas le temps de s’appesantir sur la question.

La chaleur de son propre sang le sortit de sa stupeur, et il roula sur le côté juste à temps pour voir une paire de mains griffues se planter à l’endroit où il se tenait un instant auparavant. Pensant probablement que sa proie était déjà assommée, la créature resta interdite pendant une seconde, essayant de juger si le jeune homme représentait un danger réel. Jack aurait sans doute dû en profiter pour pourfendre le monstre sans attendre. Mais l’apparence de celui-ci était à tel point particulière que Jack ne put réagir immédiatement.

Qu’était-ce donc que cette chose ? Impossible qu’il s’agisse d’une goule de base. Ou alors celle-ci avait subi des transformations jusqu’ici inédites. La créature présentait en effet le physique humanoïde de tous les zombies, mais son corps était déformé, très différent de l’allure souple et aérienne des évolués. A peine plus imposante qu’un gros chien, le monstre se tenait à quatre pattes, sur des membres plus courts et plus ronds que ceux des goules ; mais tout aussi tranchants et griffus. Sa peau présentait la teinte gris sombre typique de toute victime de la Ghoulobacter, et ses traits étaient lisses, dépourvus de toute singularité. Presque un visage enfantin. Impression encore renforcée par la démesure de son crâne, encore plus gros et boursouflé que ceux des zombies les plus évolués. Une créature difforme, abominable, et qui vivait en groupe.

Partout dans la clairière, les chasseurs étaient aux prises avec ces créatures aussi étranges que redoutables. Mais heureusement peu éveillées d’esprit, comme le prouva celle qui s’en était pris à Jack. Jugeant visiblement que ce borgne plein de sang et de boue ne représentait plus une menace maintenant qu’il était contaminé, elle s’en désintéressa pour se tourner vers les combattants les plus proches. Grossière erreur de sa part. Car Jack n’eut pas besoin de plus d’une fraction de seconde pour dégainer son wakizashi et bondir sur le monstre.

Sa lame mordit la nuque de la créature, ne rencontrant presque aucune résistance. Apparemment, les os de ce genre de goule n’étaient pas aussi durs que ceux des spécimens habituels. Mais Jack avait une nouvelle fois surestimé sa capacité à évaluer les distances. Le coup manquait d’allonge, et ne suffit pas à décapiter le monstre. A moitié détachée du tronc, la tête oscilla en laissant s’échapper des giclées de visque, tandis que le monstre se traînait à quatre pattes, incapable de se repérer. Une scène aussi violente que grotesque, que Jack ne put supporter bien longtemps.

Il acheva la créature autant par pitié que par devoir, avant d’aller prêter main-forte à ses camarades. Le jeune homme constata avec soulagement que Béate s’était sortie des griffes de son adversaire, ou à peu près. Les nombreuses ecchymoses sur ses bras et son visage prouvaient qu’elle aussi avait été prise totalement au dépourvu. Mais la jeune femme avait heureusement réussi à reprendre le contrôle de la situation. Grimpée sur le dos de la goule quadrupède qui lui était littéralement tombée dessus, son sabre planté en travers de son corps difforme, elle faisait de son mieux pour résister aux puissantes ruades, se tenant à l’abri des griffures et morsures sans pour autant parvenir à lui placer un coup mortel.

S’il ne s’était pas agi de sa sœur, Jack aurait volontiers passé quelques minutes à admirer cette parodie de rodéo post-apocalyptique. Mais Béate n’avait pas l’air d’y prendre beaucoup de plaisir, aussi son frère intervint-il sans plus attendre, tranchant sévèrement un bras du monstre. Cela suffit à lui faire perdre l’équilibre, ce qui permit à la jeune femme de descendre de sa monture et de lui donner le coup de grâce.

« Putain, mais c’est quoi ces trucs ? interrogea-t-elle en examinant les blessures de Jack. Des goules mutantes ?

-         Pour l’instant on s’en fout, décréta Jack. L’important c’est de s’en débarrasser. »

A vrai dire, le jeune homme avait bien une idée de la nature de ces goules particulières. Ces soupçons furent confirmés lorsque l’une des créatures, plus petite mais tout aussi véloce que les autres, bondit pour mordre à pleines dents la poitrine généreuse d’une ex-lamidienne. Hystérique, la malheureuse eut besoin de l’assistance de deux hommes pour lui faire lâcher prise. Etrangement, ses monstrueux comparses semblaient également préférer les proies féminines, et plus particulièrement celles dotées de seins opulents. Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Mais il était probablement préférable d’attendre la fin de la bataille pour expliquer à ses camarades ce à quoi ils s’étaient frottés. Bataille qui, une fois les premiers instants de panique dépassés, ne dura plus très longtemps.

Ces goules étaient puissantes et rapides, oui. Mais pas aussi puissantes ni aussi rapides que les évolués qui hantaient l’ouest. Leur principal atout résidait dans leur taille relativement petite, leur permettant de se cacher facilement ou de grimper aux arbres pour attaquer de haut. Mais leur intelligence laissait à désirer, de même que leurs capacités physiques. Peu souples, incapables de mettre au point une réelle stratégie de groupe, les goules quadrupèdes ne représentaient un danger que quand elles attaquaient par surprise.

Ce qui avait bien failli fonctionner avec ces humains impatients. Les zombies poitrinophiles n’avaient eu qu’à se planquer en attendant que les chasseurs s’isolent. Croire qu’ils pouvaient trouver les goules avant que celles-ci ne les trouvent avait été une erreur. Se séparer en petit groupes en avait été une autre. Sans combinaison ignifugée pour se camoufler, la meilleure tactique de survie restait la force brute : un groupe soudé se défend beaucoup plus efficacement que des éléments isolés.

Ce que comprirent rapidement les chasseurs, se réunissant pour faire front commun et encercler les goules. Dans ces conditions, il ne fut pas bien difficile d’en venir à bout. Si les quadrupèdes pouvaient aisément éventrer un homme seul, elles s’avéraient incapables de lutter contre plusieurs adversaires simultanément. Sabres, lances, arcs et arbalètes firent leur travail : en quelques minutes, les prédateurs avaient été décimés.

L’ultime survivant eut tout de même la présence d’esprit de tenter de s’enfuir. Malheureusement pour lui, sans succès. Les « ninjas » se firent un plaisir de le prendre à revers et de le démembrer consciencieusement. Ils laissèrent cependant la créature en vie, ne serait-ce que pour permettre à Jack de l’examiner.

« Ça ressemble à des chimères, commenta Marty, grimaçant devant le tronc amputé et pitoyable qui se débattait au sol. Des singes-zombies, peut-être ?

-         Ça m’étonnerait… répondit Jack pensivement. La forme du crâne ne correspond pas vraiment. Et puis en théorie, on ne trouve pas de singes dans cette région.

-         Alors d’où vient cette chose ? Est-ce un humain ou un animal ?

-         Humain, j’en ai bien peur… Je crois… je crois que ces goules sont le résultat de la contamination d’enfants. Peut-être même de bébés… »

Tous restèrent bouche bée devant cette constatation. Oui, une fois que l’on y pensait, on ne pouvait plus en douter.

Des bébés-goules. Il devait forcément en exister. Combien de nouveaux-nés, combien d’enfants avaient été mordus par des infectés sans avoir la moindre chance de se défendre ? Jack y avait réfléchi quelques fois sans s’y attarder, tant cela était insupportable. Il avait jusque là supposé que les bébés contaminés mourraient prématurément, ne pouvant que difficilement se déplacer pour prendre le soleil. Mais visiblement, certains survivaient. Et évoluaient. La Ghoulobacter les empêchait de grandir comme des humains normaux, mais ne stoppait pas pour autant leur développement. Comme leurs homologues adultes, le corps des enfants-goules se transformait, se renforçait, jusqu’à faire d’eux des prédateurs dans lesquels on ne trouvait plus que de rares traces d’humanité.

Non, plus aucune trace d’humanité. La créature démembrée qui s’agitait au sol en claquant des mâchoires n’avait plus rien d’humain. Jack sentit les larmes lui monter aux yeux en imaginant l’enfant qu’elle avait un jour été. Ses camarades, si hardis à l’idée de voir un peu d’action, n’en menaient pas large non plus. Certains ne purent se retenir de vomir, d’autres préférèrent s’éloigner au plus vite du carnage. Tous avaient du mal à se regarder dans les yeux.

Ainsi, voilà le genre d’horreurs qui attendait ceux qui partiraient vers la Filia. Combien d’autres créatures cauchemardesques verraient-ils en allant vers l’ouest ? Il était tout bonnement impossible d’imaginer la quantité d’abominations générées par la Ghoulobacter. Sans doute valait-il mieux ne pas y penser, car la réalité serait toujours pire que tout ce à quoi ils pourraient s’attendre.

 

La détermination de nombreux volontaires semblait en tout cas avoir été entamée par ces événements. La plupart des blessures étaient légères, sans gravité : un ou deux joints de buster-weed et quelques points de suture suffiraient à éviter toute complication. De ce point de vue, la mission était un succès. Pourtant, les chasseurs ne se sentaient pas victorieux. Ils n’avaient pas participé à un combat, mais à un massacre. Ils n’avaient pas tué des monstres, mais des enfants. Rien d’honorable, rien de glorieux. Si le voyage vers l’ouest devait chaque jour être ponctué de ce genre d’épreuves, de la motivation et du sang-froid ne seraient certainement pas suffisants pour parvenir à destination. Habitués au calme et à la quiétude depuis trop longtemps, beaucoup de chasseurs réalisaient maintenant qu’ils n’auraient probablement pas le cran d’aller jusqu’au bout.

Ce qui n’était sûrement pas le cas de Béate, que la bataille contre les enfants-goules n’avait pas dérangé plus que ça. La jeune fille prenait les choses avec philosophie ; rien ne lui faisait plus plaisir que d’avoir débarrassé sa planète de telles abominations. Qu’importe si ses mains étaient sales, si son âme était souillée : il fallait bien que quelqu’un se charge du sale boulot. Rien d’étonnant à ce que le spectacle de l’enfant-goule amputé de ses membres ne l’émeuve pas outre-mesure. Le fait d’avoir tué elle-même ses parents contaminés avait modifié radicalement l’échelle des choses capables de la choquer. Ce qu’elle démontra en gratifiant de petits coups de pieds le tronc démembré, s’attirant un regard de reproche d’un Jack en train d’étudier la créature sous toutes les coutures.

« Bon, on va peut-être pas rester là toute la soirée, intervint Marty. J’ai comme l’impression que nos camarades sont pressés de rentrer. On emporte cette chose avec nous ?

-         Tu plaisantes ! s’exclama Béate. On ne va pas laisser une saloperie comme ça en vie !

-         Je croyais que nos scientifiques avaient besoin d’un spécimen à étudier.

-         Mais pas d’un enfant, déclara Jack. Béate a raison : hors de question de ramener ce monstre à Genesia. De toute façon, ça ne servirait probablement à rien. Il faut un individu adulte, qu’on puisse comparer avec Lydia. Je n’ose même pas imaginer ce qui se passerait si on redonnait sa conscience à un enfant-zombie. Surtout dans cet état là…

-         Alors celui-ci ne nous sert à rien, conclut Béate. Dis bonjour à ta maman, mon petit gars. »

Pas de prière, pas de cérémonie. Rien qui puisse apporter le moindre réconfort, que ce soit aux bourreaux comme à la victime. Expédier cet enfant-goule dans l’autre monde constituait la seule démonstration de compassion envisageable. Ce dont s’occupa Béate sans ciller, la pointe de son katana l’envoyant rejoindre dans l’oubli les milliers de gosses qui avaient eu la chance de ne pas devenir comme lui.

 

 

 

 

Désolé pour lundi, j'avais pris du retard et n'ai pas pu poster... Ceci dit, ça me permet de vous livrer ce long chapitre en une seule fois.

Pour info, Ghoul-Buster fera peut-être une petite pause d'ici quelques temps (mais seulement quand j'arriverai à un moment charnière de l'histoire). J'envisage en effet de participer à un petit concours de nouvelles, mais je vous en redirai plus quand je serai décidé.

Quoi qu'il en soit, si j'écris une nouvelle, celle-ci sera probablement en rapport avec Ghoul-Buster. J'ai bien envie de réaliser une sorte de préquelle, dans laquelle on pourrait suivre les aventures de personnages vivant à un autre endroit du globe, ou bien d'un protagoniste secondaire de Ghoul-Buster (comme Gook, Kenji ou Vicious, par exemple)... Quoi qu'il en soit, si je me lance là-dedans, vous pourrez bien entendu lire la nouvelle. Plus d'infos quand j'aurai un projet plus précis. Enjoy !

Publié dans Chapitres

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T
<br /> yeah !!: Malgré ton retard, l'action commence à trouver sa vitesse de croisière...Vivement que je puisse lire ces nouvelles (je serai toujours ravi de te donner mon avi ou des idées...)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Quelques erreurs de frappe ou d'accord dans ce long chapitre:<br /> les horreurs dont recelaient ---> plutôt les horreurs que recelait<br /> avaient été détecté un groupe --> avait été détecté un groupe<br /> sans pertes majeures --> sans perte majeure<br /> orné de butes --> de buttes<br /> laisses faire Beate ---> laisse faire<br /> sensés ---> censés<br /> tu me protège ---> tu me protèges<br /> Q'importe ---> qu'importe<br /> <br /> <br />
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